Pendant de nombreuses années, nous étions inséparables. Elle savait tout de moi, je savais tout d'elle. Nous passions nos vacances ensemble, voyions notre avenir ensemble, nos études, notre futur. Des nuits entières passées à discuter, partager, philosopher, disserter, jouer, rire, glander, youtuber... Des familles qui se sont rapprochées jusqu'à ne devenir plus qu'une : sa soeur était devenue la mienne, mon frère était devenu le sien. On nous appelait "les jumelles", nous étions deux mais ne faisons qu'une.
Et puis peu à peu le temps est passé, la distance s'est installée. Loin des yeux, loin du coeur... Je n'y croyais pas et pourtant si. Les mensonges ont remplacé les confidences, les prétextes ont pris la place des secrets. Nous échangions peu, et très vite n'avons plus rien partagé. Enfin la rupture, douloureuse, blessante... Définitive. Aujourd'hui je me rappelle la dernière fois que nous nous sommes vues avec une clarté étonnante : il y a eu des excuses, je venais de rentrer d'Angleterre et de m'installer dans mon nouvel appartement à Paris. Tu habitais à quelques kilomètres et quelques minutes de train seulement, et pourtant tu n'es venue qu'une fois. Il y a eu des excuses, des remises en question, des mises au point. Et des promesses, surtout.
C'était la dernière fois que nous nous sommes vues. Finalement l'amitié a laissé la place à cette nouvelle relation "de couple" dans laquelle tu t'engageais, j'ai attendu une suite, espéré, tendu la main... Et rien n'est arrivé. Tu t'es tout simplement évaporée. Toi, ma soeur, mon amie, ma moitié. Pendant longtemps j'ai eu mal. Mal de te savoir embrigadée par lui, mal de voir qu'il avait réussi à te monter contre moi puis à t'effacer complètement de ma vie (ou m'effacer complètement de la tienne), mal de voir où finalement se trouvaient tes priorités. Mal aussi de savoir que tu étais toujours là, dans l'ombre. Réduite à un numéro retrouvé par hasard dans mon téléphone. A des e-mails conservés sur une vieille boîte oubliée. A des articles de blog engagés que je sais être quelque part.
J'ai longtemps espéré que les choses s'arrangeraient, qu'une fois séparée de lui tu te rendrais compte de ce qu'il nous avait fait, et que tu reviendrais. J'ai longtemps été persuadée qu'il était écrit que nous nous retrouverions, que c'était le destin, qu'il en était ainsi. J'ai longtemps guetté ton nom sur Facebook, m'attendant à recevoir un message de ta part, un jour à l'autre. Désormais, c'est tout ce que tu es dans ma vie : un nom sur un réseau social, qui nous éloigne au lieu de nous rapprocher. C'est presque pire de savoir que, si on pouvait, si on avait la force de mettre notre fierté et le passé de côté, nous serions à un clic de nous recontacter.
Et puis j'ai réalisé. J'ai réalisé que ma vie avait continué, sans toi, et qu'aujourd'hui tu n'en savais plus rien. Que je ne savais plus rien de toi, ni toi rien de moi. Tu n'as jamais rencontré celui qui partage ma vie, tu n'as jamais visité mon appartement. Tu n'étais pas là pour ma remise de diplôme, tu ne connais pas mes amies, tu ne sais pas que ma soeur vient de passer son bac ni ma mère l'agrégation. Tu ne sais pas où je vis, où je travaille, où je pars en vacances. Tu ne sais plus rien de moi. Tu n'es plus qu'un fantôme du passé.
Pendant des années, j'ai continué à te souhaiter ton anniversaire, un petit message liké sur Facebook. Un petit contact, presque rien, juste un petit pincement au coeur pour me rappeler que tu es bien là.
Mais cette année je ne l'ai pas fait. C'était hier, je le savais, et pourtant je ne l'ai pas fait. J'ai décidé de tourner la page et d'avancer, de lâcher la dernière corde qui nous liait... J'ai choisi de me concentrer sur les gens qui comptent, les vrais, ceux qui sont là.
D'ailleurs aujourd'hui c'est l'anniversaire de mon chéri, joyeux anniversaire mon amour <3