Au début de la journée j’étais un peu déçue de ne
pas pouvoir vivre les heures d’attente et d’anticipation qui précédent toujours
un concert : l’ambiance régnant dans les rangs de fans passionnés, arrivés
des heures à l’avance pour avoir les meilleures places et aussi un peu pour savourer
le moment avec d’autres fans, tout aussi dingues et hystériques qu’eux. Ensuite
il a commencé à pleuvoir et quand je suis sortie, toujours sous la pluie, prête
à affronter l’heure de transports qu’il me faudrait pour rejoindre le Zénith,
le vent glacial d’hiver s’infiltrant sous mon sweat-shirt (ben oui, j’allais
pas me trimballer un manteau toute la soirée !), j’étais finalement plutôt
contente de ne pas avoir à faire de queue.
Enfin, c’est ce que je croyais ! Parce que
quelle n’a pas été notre surprise lorsqu’en arrivant devant le Zénith, S. et
moi, nous avons découvert un bon kilomètre de file de gens glacés, après
l’heure à laquelle les portes étaient censées ouvrir. Et là j’ai eu une
révélation : j’ai enfin compris pourquoi les portes ouvrent toujours à
18h30 pour un concert à 20h, c’est parce que ça met VRAIMENT 1h de faire
rentrer tout le monde ! (ce qu’on ne réalise pas du tout quand justement
on a poireauté pendant huit heures pour être tout devant) Donc une heure et
trois orteils en moins plus tard, nous avons fini par accéder à la salle.
Première impression : les fans étaient…
comment dire… Pas le genre de population qu’on s’attend à rencontrer dans un
concert de métal. Des tas d’ados d’une quinzaine d’années, encore tout
boutonneux et visiblement alcoolisés, en t-shirt sous la pluie battante. Des
petites minettes en slim et bensimon, l’écharpe léopard au cou et le sac
Longchamp accroché dans le creux du coude (euh… okayyyyy…). Une moyenne d’âge
qui ne devait pas dépasser les vingt ans. Enfin, bizarre quoi. En général aux
concerts de métal, quand on est deux filles, blondes, de moins de 25 ans et
habillées comme on est habillé en sortant du boulot, on s’attend à se sentir
très seul. Mais là pas du tout, limite on était les moins bizarres de l’assistance,
j’exagère un peu mais à peine. J’avoue que mon cœur s’est un peu serrée devant
cette triste constatation. Les métalleux avaient-ils vraiment disparu de la
surface terrestre, alors ? Cette espèce s’était-elle éteinte avec mes
dix-huit ans et ma coloration châtain foncé ? Allais-je me sentir seule et
bizarroïde pendant le restant de mes jours, en essayant de passer inaperçu au
milieu de fans de David Guetta et Nicki Minaj ? Allais-je me condamner à
une vie cachée, n’osant pas sortir mes t-shirts d’A7X, Scorpions, Sonata
Arctica, Rammstein et Nightwish des tréfonds de ma penderie sous peine de voir
des regards choqués éclore autour de moi dans les yeux de mon entourage ?
La terrible révélation me frappait de plein fouet.
Et puis, dès que la musique a commencé, le
comportement de l’assistance s’est clairement modifié. La fosse s’est remplie à
vue d’œil alors que jusque là la salle avait l’air quasiment vide. La première
partie, Avatar, qui a été
une excellente surprise, a rassemblé les foules : les cheveux des
métalleux se sont détachés, les points se sont levés vers le plafond, bref une
bonne ambiance a commencé à s’installer, à laquelle S. et moi avons
immédiatement adhéré : on sentait nos quinze ans renaître et god qu’est-ce
que ça faisait du bien de voir tous ces gens, passionnés, animés d’un tel
souffle, d’une telle énergie commune réunie autour d’une basse, de quelques
riffs de guitare impressionnants et d’une batterie ! Même si le groupe
invité, Five Finger Death Punch, m’a moins convaincue – un peu trop hard pour
moi, je me fais vieille il faut que je me ménage ! – j’ai découvert quelques très belles
chansons tout de même et comment ne pas être dans l’ambiance quand tout une
foule hurle en cœur « Burn
motherfucker burn ! ». J’ai toutefois été surprise de constater
que les couples représentaient bien un quart de l’assemblée et j’avoue que ça
m’a rendue un peu mélancolique. Je ne crois pas qu’un jour j’arriverai à
trouver quelqu’un qui soit sur la même longueur d’ondes que moi au point qu’on
puisse aller à des concerts de métal ensemble, hurler comme des tarés sur certaines
chansons et s’embrasser sur d’autres. J’ai parfois l’impression que ma
personnalité comporte tellement de facettes, si différentes les unes des autres
de surcroît, que jamais personne n’arrivera à toutes les comprendre, les
supporter, les approuver, les partager ! L’amour peut-il vraiment couvrir
autant d’aspects si différents de la vie de deux personnes différentes ?
Pour l’instant je n’ai encore jamais eu la chance de constater que oui…
Et quand Mr. Shadows et Synyster Gates ont
débarqué sur scène, l’hystérie a pris le dessus et j’ai réalisé que les deux
amours de ma vie étaient juste devant moi, là, en cet instant (oui parce que je
suis incapable de choisir entre l’un et l’autre, dès que Matt se met à chanter
je serais prête à tout pour l’épouser, et dès que Syn entame un solo de guitare
j’ai un orgasme donc comment choisir ? Seule la polygamie est une solution
satisfaisante dans ce genre de cas). La nouvelle coupe de Matt m’a
décontenancée pendant une minute et demi et après ça je me suis laissée emporter
totalement dans la musique et dans l’hystérie collective. Parce qu’il faut dire
qu’à ce moment-là de la soirée la salle, qui semblait loin d’être pleine à 20h,
était totalement bondée, de la fosse qui tenait plutôt d’une boîte de sardines,
avec des fans fou furieux faisant office de poiscaille et la sueur remplaçant
l’huile d’olive, jusqu’aux plus hauts gradins. Nos sacs confiés à une gentille
madame du premier gradin (oui parfois l’amour de la musique rend inconscient,
mais on avait envie de se prouver qu’on pouvait encore avoir confiance en la
race humaine et on a eu raison haha !), nous nous sommes précipitées au
milieu de la masse pour presque deux heures de pure folie. J’ai hurlé sur Nightmare, entonné
« Hail to the King »
en chœur avec le reste de l’assemblée, vibré sur Buried Alive, pleuré sur
la sublime interprétation de Fiction en mémoire de
Jimmy The Rev, replongé dans mon adolescence sur Afterlife et redécouvert
le nouvel album grâce à This
Means War ou Shepherd
of Fire. Les incroyables solos de Syn ont fait vibrer toute l’assistance
et, si j’avoue avoir été un peu déçue qu’ils n’aient pas joué So Far Away ni Dear God, mes balades
préférées, j’ai été littéralement envoûtée, une fois de plus. C’est incroyable
comme les concerts de métal regorgent d’une atmosphère unique, qui leur est
véritablement propre : il y a une osmose entre les artistes et le public
qu’on ne retrouve nulle part ailleurs, ils nous donnent tant et on voudrait
tant leur rendre que c’est presque frustrant que ce soit si intense mais si
court, si bref malgré les 5h passées dans cette salle à se saouler de musique.
Alors inutile de vous dire que s’ils reviennent
pour le Hellfest cet été comme Matt l’a laissé entendre, ils accompagneront ma
première édition de ce festival auquel je rêve d’aller depuis toujours (verdict le 4 décembre...). Qui
m’aime me suive ?